L’after party d’Orelsan
La fête est finie. Après six ans d’attente, son nouvel album est sur toutes les lèvres. À 35 ans, le rappeur de Caen offre un chef d’œuvre d’autodérision des plus personnels. Le moment était bien choisi pour un after avec un artiste touche à tout accompli, un Orelsan au sommet.
TEXTE – STYLE – PHOTO : SHOES UP team
MUA : Odile Jimenez

J’ai lu que tu as déclaré que tu n’étais pas devenu vraiment un « San » (ce qui veut dire monsieur en japonais) mais finalement c’est quoi la définition d’un San selon toi ?
Je dirais qu’il y a une forme d’apaisement, en fait en japonais, il y a trois étapes « San », « Sensei », « Sama ». Sama, c’est carrément un rang au dessus et Sensei, c’est quand tu es passé maître dans un art. Par exemple, les mangakas, ils les appellent Sensei. Et donc « San » c’est juste monsieur. Je sais pas pourquoi j’ai dit que j’étais pas vraiment un San, je me sens un peu San, pas Sensei et pas encore Sama. Pour moi la définition, c’est quand tu sais à peu près où tu en es dans ta vie, où tu veux aller et où t’es plus ou moins prêt à passer le stade de l’adolescence. Au point où t’es au tiers de ta vie !

PANTS: Napapijri SOCKS: Uniqlo FOOTWEAR: Y-3
Pourquoi avoir débuté avec Basique ?
Je trouvais que ça reflétait bien musicalement l’album, le côté un peu 140 bpm, grosse basse, flow aéré, pas énormément de débit. Et on trouvait ça intéressant de revenir en disant : « bon faut qu’on revoit les bases » ça sonne comme un début. Je trouvais ça plus pertinent que de revenir avec San par exemple, où je revenais en trentenaire pommé, c’était trop personnel. Je voulais un truc large qui représente le mieux ma démarche sur l’album.
Le titre de ton album La fête est finie est interprété de mille et une façons, quel message mets-tu derrière ces mots ?
C’est justement parce que ça peut être interprété de mille et une façons. Le titre d’un album, c’est toujours compliqué. L’album s’appelait San dans ma tête pendant longtemps. Puis j’ai aimé le double sens de La fête est finie, le premier sens, c’est que je n’avais vraiment plus envie de faire la fête et le second sens, c’est « je me prends en main et vous allez voir ce que vous allez voir ». En plus, le premier album c’est Perdu d’avance, c’est déjà une expression toute faite où tu peux mettre plusieurs sens. « Perdu d’avance parce que c’est mort » ou « Perdu d’avance donc je peux kiffer et faire n’importe quoi ». Le Chant des Sirènes n’a pas vraiment de double sens mais c’était un album qui parlait des tentations et qui est aussi une expression toute faite.
D’ailleurs, le titre La fête est finie semble être la suite de Soirée ratée, comme si tu avais gagné en responsabilité et que c’est comme une note à toi-même.
Oui c’est ça, exactement ! Soirée ratée c’est typiquement le genre de truc dans mon premier album où je subissais beaucoup. La fête est finie t’es plus au début de la fête mais tu kiffes pas trop. C’est plus la conclusion parce qu’après avoir écouté Soirée ratée tu n’en tires aucune conclusion ! (rires) C’est vraiment t’es dans la soirée, il y avait moins de recul !

CAP: Umbro x Avnier JACKET: Napapijri CREWNECK: Napapijri
En quoi ton approche de la construction d’un album a t-elle changée ? Il y a une évolution incontestable dans ta musique de Perdu d’avance sorti en 2009 jusqu’au second Le Chant des Sirènes puis ce troisième.
Je pense que j’ai plus de recul, je maîtrise mieux la manière dont les gens prennent les choses. Et musicalement et en termes de flow, je voulais plus un truc qui m’appartient. Premier album, c’était « un track, un style », Par exemple Pour le Pire est une chanson un peu en mode Supertramp rigolo, Changement, c’était une instru très rap basique, Soirée ratée c’était la chanson un peu électro Ed Banger influence Uffy, tu vois ce que je veux dire ? (rires) et donc sur le nouvel album, je mélange tout ça avec ce que j’ai appris depuis. J’ai moins de mal à jeter des morceaux aussi, je suis plus libre, j’ai plus confiance. Et je maîtrise mieux ma voix aussi, sur Perdu d’avance j’ai une seule façon de rapper, là j’ai plus un panel large.
Ton album a déjà établi des records. Disque d’or en moins de 72 heures, tu t’attendais à un tel engouement ?
Pas du tout, double surprise car je ne m’attendais pas à ce que Basique prenne autant et l’album c’est pareil. On s’en rend pas compte en fait parce qu’on est dedans. Par exemple, le clip Basique : un plan séquence avec 350 figurants, ça fait genre plus de quatre mois donc on l’a digéré. Et je suis pas du tout un mec des chiffres mais Skread me fait un peu réalisé tout ça. C’est quand j’ai vu un média titrer « Quand t’es disque d’or en 3 jours », je me suis dit « Ah ouais, quand même. »

PANTS: Olow SOCKS: Uniqlo FOOTWEAR: Paraboot Michael
Il y a une question que tout le monde se pose : Marion Maréchal Le Pen te suivait-elle vraiment sur Twitter ?
Merde, j’ai pas mon téléphone pour te montrer ma capture d’écran ! Il y a un vrai mystère car j’ai l’impression, attention je veux pas de polémique, mais je pense que c’était un compte qui se faisait passer pour le compte officiel mais je me demande si c’était pas l’officiel car ça en avait vraiment l’air. Depuis il y a une mention précisée « ceci n’est pas un compte officiel » mais il y a eu une magouille ! En tout cas, ce qui est vrai, c’est qu’un jour j’ai halluciné en recevant cette notification !
Comment vont se passer les fêtes de fin d’année après avoir sorti un son comme
Défaite de famille ?
C’est clair ! Ecoute je crois que ça va bien se passer. J’attends la prochaine vraie cousinade avec toute la famille. Je sais qu’ils vont rien dire parce qu’ils ont de l’humour et c’était un truc classique de film français que je pense que tout le monde a intégré. Mais je pense quand même que ça va être que des allusions à ça en mode « Alors ? Je fais ça ? » avec un fond de sarcasme… (rires)

PANTS: Y-3 SOCKS: Uniqlo FOOTWEAR: adidas Consortium Twinstrike A//D
Est-ce que Bonne meuf et Tout va bien sont des titres réponse à la polémique de Sale pute ? Il y a un côté féministe dans ces titres, notamment quand tu fais référence au harcèlement de rue ou à une femme battue.
Bah ouais il y a grave quelque chose de féministe. Je ne dirais pas que c’est une réponse car je n’y ai pas pensé, en tout cas sur Bonne meuf à aucun moment. Mais tu vois avec la série Bloqué, on a aussi fait un sketch qui décrit bien le féminisme même si on joue des personnages de connards, on essaye de faire en sorte que ça ne soit pas niaiseux mais ça personne n’en parle. On me ressort toujours le titre Sale pute alors que cette chanson est juste drôle, je suis pas un mec mauvais.

CAP: Avnier PULL OVER: Olow SHIRT: Hast Paris
C’est donc une bonne chose que ça puisse être interprété comme tel ?
Bah carrément. Le couplet de Tout va bien, j’y ai certainement un peu pensé mais limite ça me fait chier parce que je n’ai pas besoin de répondre alors que j’ai raison. Mais t’as bien résumé le truc.
Tu as invité les sœurs Ibeyi qui ont un côté très féministe. Comment en êtes-vous venus à collaborer ?
Oui, c’est vrai qu’elles le sont. Il y a même un sample de Michelle Obama sur leur album ! On s’est rencontré dans une émission France Inter et depuis on est pote ! Je kiffe à mort ce qu’elles font, elles ont un peu les mêmes sensibilités qu’on trouve sur mon album : un peu d’électro avec une touche de world music, des harmos avec un côté rythmique lente. C’est la musique que j’aime.

Pourquoi avoir fait référence à Christophe Mae et Keen V sur ton feat avec Maître Gims ?
Il y a plein de gens qui ont pris ça pour un clash mais pas du tout. Je les ai choisi car ils font de la musique qui est inspirée des musiques du monde, il ne font pas de la chanson française quoi. Et du coup t’en as un qui est inspiré du reggae et plein d’autres choses puis l’autre qui s’inspire de la musique de la Nouvelle Orléans. Et ces artistes sont super populaires en France donc c’était une manière de dire « Arrêtez de faire des clichés sur quelle communauté doit écouter quelle musique ». J’ai écrit l’album pendant les élections où il y a eu une grosse remontée du racisme et je ne comprends même pas le concept du racisme, ça n’existe pas pour moi !
