“La banlieue influence Paname. Paname influence le monde.” clame Médine dans le retentissant Grand Paris, en compagnie de Lartiste, Lino, Sofiane, Alivor, Seth Gueko, Ninho et Youssoupha. Si l’artiste havrais met le doigt sur une logique sociale et culturelle qui se confirme d’années en années, le succès soudain de Koba LaD en est une énième illustration. Longtemps faussement méprisée par les hautes sphères de la Capitale, notamment le luxe, l’influence des quartiers populaires en périphérie est aujourd’hui indéniable.
“À aucun moment je n’ai pensé que ma musique dépasserait les frontières de mon département. Je viens d’un trou à rats. Personne ne nous observait, mais maintenant que les projecteurs sont braqués sur nous, on va faire le maximum pour que tout le bâtiment 7 en profite.” explique Koba LaD avec lucidité et détermination, qui n’avait pas vu venir une telle ascension et un tel engouement autour de sa musique : plus d’une dizaine de millions de vues sur YouTube, une signature chez le réputé label Def Jam et un album sorti le 28 septembre dernier déjà disque d’or. Habitant d’Évry, plus précisément de Bois Sauvage et désormais du Parc aux Lièvres, le rappeur de 18 ans poursuit la folle odyssée de la trap du 91. Tandis qu’il évoque les vétérans Juicy P, La Comera et LMC Click comme des incontournables, Koba est venu secouer le rap français fin 2017 avec sa série de freestyles #Ténébreux. Sur des productions assassines, l’essonnien délivre un flow élastique, entre nonchalance et envolées vocales, qui peut aussi bien monter dans les aigües (Train de vie) que retrouver des intonations bien plus caverneuses (Intro).

Une signature musicale inédite au sein de la scène hexagonale qui narre “un quotidien pas très passionnant et un peu casse-couilles des fois” et qui a pris une tout autre dimension cette année. “À mes débuts, je ne misais pas du tout sur la musique. Aujourd’hui le buzz est là, et tant mieux. Je ne peux plus faire semblant, il faut gérer maintenant, et continuer à envoyer” tient à rappeler le fier représentant du Bâtiment 7, immeuble du quartier du Parc aux lièvres et entité essentielle dans la vie et la musique de l’artiste. “J’suis toujours dans l’binks, tu sais (tu sais), Koba du 7, tu sais” rappe-t-il sur l’Intro de son album puis “J’me rappelle j’avais rien, j’traînais tous les jours dans l’bât 7” dans Train de vie. Un bâtiment, désormais symbolique, qui est à l’origine du nom du premier groupe de Koba, Seven Binks, mais aussi de son premier opus, VII. “Je n’arrêtais pas d’enregistrer des sons au studio, et parallèlement l’engouement montait. À un moment, on s’est posé avec l’équipe et on a décidé de regrouper les meilleurs pour proposer un album. Il me restait seulement deux-trois morceaux à réaliser.” raconte l’évryen.

“Le 91 est propice à la trap parce qu’il y a plus de rage qu’ailleurs”
“Tu dois gérer ton succès avec ton équipe, ne pas faire n’importe quoi et rester humble. Il n’y a pas de magie.” continue le rappeur quand on en vient à son parcours et son identité artistique. Épaulé de ses deux managers, Dopijack et Deuspi, qu’il “fréquentait avant la musique” et qu’il n’est “pas prêt de lâcher”, Koba LaD a également réussi à s’imposer grâce à une écriture sincère, descriptive, presque naturaliste. Un réalisme qui se retranscrit lors de ses différents et nombreux clips : le plus souvent au pied du fameux Bâtiment 7 ou dans les rues d’Évry. Un réalisme sur lequel s’appuie la série américaine The Wire, autre incontournable chez Koba, “Matrixé par The Wire, j’ai eu envie d’bicrave” chante-t-il sur Train de vie. Un réalisme qui nourrit la trap acerbe issue des cités d’Essonne et qui en fait sa singularité. “Le 91 est propice à la trap parce qu’il y a plus de rage qu’ailleurs.” observe le rappeur.

Des normes sociales qui s’exportent à une vitesse vertigineuse, du vocabulaire employée aux tenues vestimentaires. Hors des frontières de l’Île de France mais également à l’étranger, comme le prouve l’avènement de Niska ou le séisme PNL. De nombreux codes véhiculés par ces figures qui envahissent les rues et arrivent aux portes des défilés de Louis Vuitton, Versace, Gucci et bien d’autres. Si le tournant a déjà été pris outre-Atlantique à l’aube des années 2000, avec une belle histoire d’amour entre la culture hip hop et le luxe, il a fallu attendre quelques années en France pour que ces grandes maisons commencent à considérer les mouvances street. Koba s’avère donc être un nouvel ambassadeur de cette prise de pouvoir, lui qui plaide allégeance aux tracksuits achetés à Foot Korner, mais n’hésite pas à essayer des tenues plus travaillées et color-block lors de notre shooting.

“Je ne me rends pas compte de l’emprise que la banlieue a sur la mode”
Que ce soit une veste polychrome Ralph Lauren, un ensemble camo Louis Vuitton, la nouvelle paire d’Asics GEL-Quantum Infinity ou une montre à chaque poignet, le rappeur se prête au jeu. “J’aime la musique qui vient des states, mais les looks des artistes américains ne m’intéressent pas. Trop d’extravagance pour moi, je suis plutôt dans la sobriété.” précise-t-il, comme pour garder à tout moment un pied dans la réalité. Une philosophie qui n’est pas à oublier quand on tente de décrypter le phénomène Koba LaD, et plus globalement la démocratisation, voire la domination, du rap et de la culture urbaine banlieusarde sur la scène française. Une transformation sociétale dont les principaux intéressés n’ont pas forcément conscience, Koba le premier. “Honnêtement, je n’observe pas ce qui se fait autour de moi. Je suis focalisé sur ma musique et le quotidien de mon quartier. Pour le moment, je ne me rends pas compte de l’emprise que la banlieue a sur la mode.” En pleine réussite, l’essonnien préfère s’inspirer de son vécu et regarder droit devant lui.
